Taikomoji kalbotyra, 15: 26–36 eISSN 2029-8935
https://www.journals.vu.lt/taikomojikalbotyra DOI: https://doi.org/10.15388/Taikalbot.2021.15.3

Le facteur socio-historique à l’origine des changements de sens : cas de l’ancien français

Rose Sene
Université Cheikh Anta Diop de Dakar / Cheikh Anta Diop University
rose1.sene@ucad.edu.sn

Résumé. Il est question dans cet article d’étudier un facteur essentiel du changement de sens. L’analyse de l’évolution sémantique des mots dans l’usage permet de comparer les sens des mots entre les différentes périodes de l’histoire de la langue. La comparaison est faite ici de manière prospective, remontant ainsi aux sens étymologiques et au regard des premiers sens que l’on retrouve en ancien français Ceci fait voir que les mots s’adaptent à la situation sociale, historique et culturelle ainsi qu’aux besoins d’expression de ses usagers. Au-delà de la comparaison qui met en parallèle l’étymon et le mot dans le contexte du XIIème siècle avec une société féodale régie par des valeurs chevaleresques, on remarque ces changements sémantiques empreints de l’histoire et du vécu des locuteurs. Des mots ont acquis des sens nouveaux du fait du changement de contexte et pour répondre aux exigences d’un nouveau contexte. L’histoire du français nous apprend donc que la langue est un système assujetti aux changements. L’évolution de la langue entraine l’évolution du sens des mots. Ces changements de sens s’opèrent pour différentes raisons qui impliquent le locuteur et qui sont corrélées au contexte et aux événements socio-historiques. Divers facteurs sont susceptibles de motiver les passages d’un sens à un autre. Les procédés sont aussi variés et offrent toujours des résultats surprenants qui incitent la curiosité du chercheur. Il convient de les considérer, tous deux, dans l’ensemble et de les analyser suivant l’usage pour en juger la pertinence. Et nous avons retenu de cette étude que la langue française, ainsi que toute autre langue, vit et progresse pour répondre au besoin d’expression des locuteurs.
Mots clés: mot; sens; contexte; sémantique; évolution; changement; contagion

The Socio-historical Factor Behind Change in Meaning: The Case of Old French

Abstract. This article is about studying an essential factor in the change of direction. The analysis of the semantic evolution of words in usage makes it possible to compare the meanings of words between different periods in the history of the language. The comparison is made here prospectively, thus going back to the etymological meanings and to the first meanings found in Old French. This shows that the words adapt to the social, historical and cultural situation as well as the expressive needs of its users. Beyond the comparison which puts the etymon and the word in parallel in the context of the 12th century with a feudal society governed by chivalrous values, we notice these semantic changes imbued with the history and the lived experience of the speakers. Words have acquired new meanings from the change of context and to meet the demands of a new context. The history of French therefore teaches us that language is a system subject to change. The evolution of language brings about the evolution of the meaning of words. These changes in meaning take place for different reasons which involve the speaker and which are correlated with context and socio-historical events. Various factors are likely to motivate the passage from one direction to another. The procedures are also varied and always offer surprising results which arouse the curiosity of the researcher. Both should be considered as a whole and analyzed according to usage to judge their relevance. We have learned from this study that the French language, as well as any other language, lives and progresses to meet the need for expression of speakers.
Keywords : word; meaning; context; semantic; evolution; change; contagion

Copyright © 2021 Rose Sene. Published by Vilnius University Press.
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1. Cadre théorique

Tout comme l’être humain, les mots ont une vie qui dépend de la survivance des objets qu’ils désignent, de la production des idées qu’ils caractérisent et de l’actualisation du contexte auquel ils réfèrent. Le contexte justifie le sens du mot en tissant la relation qui unit l’action ou le fait exprimé par le mot aux circonstances historiques et sociales dans lesquelles il est émis ; ou encore, la chose représentée par le mot aux conditions dans lesquelles elle a été évoquée. Le langage, comme le dit Darmesteter (1943 : 36), est une matière sonore que la pensée humaine transforme insensiblement et sans fin. Par cette implication, par exemple, le lexique référant à la féodalité n’est plus actuel après la période d’ancien français puisque la pensée humaine a changé et que le contexte des relations vassaliques et des valeurs guerrières auquel il se rapporte n’existe plus. Dans cette thématique sur la construction du sens, nous avons choisi de contribuer en analysant la construction et le changement de sens en ancien français. Il convient alors d’analyser la création des sens en rapport avec le contexte, de s’interroger sur les facteurs d’évolution dans le lexique et d’étudier ainsi le dynamisme du sens ainsi que le sort des mots. Nous observons que, dans le lexique ancien référant au contexte médiéval, les mots désignant des appellations tels que chevalier, bacheler, vassal, valet, vilain, écuyer, baron, preu, preudom ou encore les termes de guerre tels que adouber, férir, jouter, appareiller, occire, gésir, cheoir sont soit sortis d’usage ou employés avec d’autres sens moins violents du fait qu’ils n’étaient plus actuels ; et cela, en raison du dépassement des valeurs guerrières dans les thèmes de société.

En tout temps, les traces de l’histoire se retrouvent dans la langue en usage et se conservent à travers le sens des mots. Et naturellement, ces derniers changent de sens lorsque la manière de penser des usagers change. Divers facteurs (la psychologie du locuteur, l’analogie, la contagion, les emplois stylistiques) sont susceptibles de motiver les passages d’un sens à un autre. Parmi ces facteurs, nous avons choisi de communiquer sur les circonstances socio-historiques qui sont corrélées à la psychologie du locuteur et qui impactent beaucoup sur la création et le changement de sens. Celui-ci n’est pas relatif à l’espace temporel puisque dans un même état de langue, le mot peut, à cause des événements ou des manipulations de l’esprit humain, changer considérablement de sens. De même, un mot ne sort de l’usage tant que la chose qu’il représente demeure dans le même état ou dans le quotidien des locuteurs. Le facteur social et les jeux de l’esprit impactent donc beaucoup sur l’explication des origines du changement de sens.

Différents groupes sociaux ou plusieurs générations de locuteurs peuvent se servir des mêmes mots, mais ces derniers sont susceptibles de changer de signification selon qu’ils sont employés par l’un ou par l’autre groupe, par l’une ou l’autre génération. Le sort des mots et de leurs significations dépend, en grande partie, de l’usage qu’en font les hommes, du contexte socio-historique dans lequel ils sont utilisés et des événements marquants qui se déroulent et qui sont susceptibles de motiver des changements.

Le contexte actualise le sens du mot en tissant la relation entre le fait exprimé et les circonstances historiques dans lesquelles il est émis. On retrouve aujourd’hui les traces de l’histoire dans la langue à travers le sens des mots particulièrement dans des emplois figés ou lorsqu’il est donné de d’étudier l’évolution sémantique d’un mot.

Prenons pour exemple les expressions sans coup férir, par monts et par vaux, huis clos, chevalier errant…
férir < ferire,
(lat. classique): ‘frapper violemment’ en ancien français rappelle les ardeurs guerrières du moyen âge.
mont < mons, montis (l.c.) : montagne; vaux < vallis (l.c.): ‘vallée’ rappelle le paysage médiéval.
huis < *ustium (b. lat) : ‘porte intérieure ou secrète’ rappelle architecture des cours médiévaux.
chevalier < *cabalarius (bas latin) : ‘noble guerrier’ en ancien français rappelle toute l’importance des valeurs guerrières et courtoises médiévales. Le facteur social, en faveur de l’anoblissement de la servitude à cette période féodale, est à l’origine du changement de sens. La signification du mot change lorsque la manière de penser change et, au contraire, elle se stabilise quelque peu tant que la chose ou le fait représenté demeure en l’état.

La langue française en elle-même – vu son origine, c’est-à-dire le latin avec un mélange de substrats gaulois et de superstrats germaniques, arabes etc., son histoire et son évolution – démontre l’inconstance qui caractérise la langue dans son évolution et l’implication profonde des locuteurs dans cette évolution. Pour les besoins de cet article qui s’interroge sur les facteurs du changement de sens, on choisit de se limiter aux faits liés à l’usage et aux circonstances socio-historiques qui le favorise. Il sera alors question d’étudier les facteurs internes, en l’occurrence les relations entre le mot et les différents sens ainsi que les facteurs externes en analysant tout fait social qui peut influer sur l’usage des mots.

2. Du mot au sens

Le mot est une suite de sons ou de lettres qui a un sens et une fonction dans la phrase. C’est un outil de communication produit par l’homme, le résultat d’un acte découlant de la volonté et des facultés humaines. Du point de vue étymologique, le mot provient du latin muttum (‘parole’), fait à partir du verbe mutire dérivé du grec muthos et qui veut dire ‘parler bas’. Le Dictionnaire Etymologique de la Langue Françoise le définit ainsi: « lettres, dont l’ensemble présente une idée, terme, parole, dicton, expression accoutumée, apophtegme, sentence, expression juste, ce qu’on écrit ou dit brièvement ... » Au regard de la sémantique, le mot est une représentation sonore ou graphique faisant appel à un sens, il exprime une idée, désigne un objet matériel ou un évènement. Ce qui nous intéresse ici, c’est cette notion de sens qui, dans les définitions, est intrinsèquement lié à l’expression du mot et qui peut évoluer suivant diverses raisons à l’image de la langue en général. Si l’on s’attarde un peu sur son étymologie, le mot sens provient du croisement morpho-sémantique de deux étymons : du latin sensus (‘sensation, manière de penser, intelligence’) et du germanique *sinno (‘direction, bonne orientation’). Ceci crée d’ores et déjà une situation sémantique complexe qui fait dire à Matoré (1985 : 76) que ni l’histoire ni la signification du mot sens à l’époque médiévale ne peuvent être comprises si l’on oublie que ce mot est issu de deux racines différentes. Le croisement sémantique a engendré en français moderne une polysémie notoire du mot. Cependant, la signification que l’on retient pour le domaine qui nous intéresse est une combinaison d’orientation, de pensée et d’intelligence pour ainsi dire que le sens c’est l’orientation que la pensée humaine attribue au mot. Le sens des mots évoluent avec cette même pensée humaine au sein du système de la langue. Pour reprendre les propos de Charles Bally (1932 : 18), on peut dire que les langues changent sans cesse et ne peuvent fonctionner qu’en ne changeant pas. A chaque moment de leur existence, elles sont le produit d’un équilibre transitoire. Cet équilibre est donc le résultat de deux forces opposées : la tradition, qui retarde le changement, lequel est incompatible avec l’emploi régulier d’un idiome, et d’autre part les tendances actives, qui poussent cet idiome dans une direction déterminée. Telles sont les caractéristiques de toute langue qui vit. Le caractère changeant de la langue n’est pas perceptible dans l’usage d’une génération car il faut une certaine stabilité pour maintenir la nature conventionnelle du langage. L’évolution de la langue se fonde dans la durée et les changements ne s’effectuent pas au hasard. Ils sont le résultat de faits naturels et non arbitraires. Les mots naissent, vivent et meurent selon des circonstances qui s’imposent indirectement à la langue. Ils naissent par le besoin d’expression des locuteurs. Quand une idée surgit ou qu’une chose se crée, l’on trouve nécessairement des mots pour l’exprimer à partir des ressources et du dispositif déjà existants. Les ressources peuvent être soit le lexique d’une langue d’emprunt soit le vocabulaire qui existe déjà dans la langue courante. Quant au dispositif, il correspond à des procédés de dérivation, de composition et autres formes de création de mots nouveaux. Les mots vivent entre eux, se combinent, s’assimilent, se contaminent par analogie, changent ou évoluent pour les besoins d’expression et ceux du contexte. Enfin, ils peuvent mourir, toujours sous les effets du contexte et du mode de vie des locuteurs.

Le mot, pris dans son ensemble avec une signification bien déterminée, continue d’exister dans l’usage tant que la réalité à laquelle il est rattaché demeure. Au cas contraire, il se produit soit la disparition du mot soit un changement de connotation. Dans l’évolution de la langue, cette alternative s’est produite plus souvent. Il en est ainsi parce que la langue a tendance à garder ce qu’il a gagné en expression, même si, parfois, les exigences de l’usage l’obligent à s’en défaire, comme nous l’avons constaté avec le phénomène de désuétude qui a touché beaucoup de mots français avant la période classique. En effet, du fait d’une morphologie complexe ou d’ambiguïté à cause de synonymie et d’homonymie parfaite, beaucoup de mots français sont sortis d’usage au XVIème siècle, ceci dans le but de rendre le français plus clair et plus net comme le voulait la norme classique. Il est à noter que les grammairiens et théoriciens de la langue, Maupas, Oudin, Chiflet et Vaugelas ont œuvré pour une norme linguistique dont la préoccupation était le bon usage de la langue. Désormais, dans les grammaires et les remarques, l’on peut trouver des recommandations sur la bonne façon de s’exprimer. Ils proposent leur vision des considérations qui doivent présider à l’acceptation de tel ou tel usage. Vaugelas (1647 : 2) assimile la norme classique à « la façon de parler de la plus saine partie de la Cour, conformément à la façon d’écrire de la plus saine partie des auteurs du temps ». Et, en ce sens, l’ouvrage d’Edmond Huguet (1935) nous édifie beaucoup sur les disparitions de mot et de sens.

L’évolution morphologique du mot est indépendante de l’évolution du sens et vice versa. Darmesteter (1943 : 178-186) nous dresse une liste de mots français dont les sens sont restés inchangés depuis l’origine latine. Pour ainsi dire, le changement phonique ou morphologique obéit à un autre facteur, celui du changement de groupe social, qui ne conditionne pas le changement de sens. Les mots ont une mémoire à laquelle l’esprit humain fait appel à chaque fois que le besoin d’expression se présente. Lorsqu’une idée surgit ou qu’une chose se crée, l’esprit opère une association avec un mot qui peut le désigner sans équivoque de sorte que la compréhension soit conventionnelle et que chaque locuteur puisse, par le même jeu de l’esprit, parvenir à la même association.

Tout l’intérêt d’étudier une langue se trouve dans le fait qu’elle est un instrument vivant et malléable par l’homme. La langue française en elle-même est le résultat d’une longue évolution. Si elle était restée à l’état standard sans être soumise à l’épreuve de la force mutatrice, serait-elle constamment un sujet qui suscite la curiosité des chercheurs ? Ce qui intéresse l’homme, c’est ce qu’il ignore et, si toutes les études menées sur le français avaient pour cible un seul état de langue sans prendre en compte les variabilités et tous les changements qui rendent la langue vivante, tout l’intérêt de l’étudier disparaitrait. La langue qui intéresse les chercheurs, c’est celle qui évolue et qui change continuellement, en d’autres termes une langue qui vit et qui est soumise au pouvoir des locuteurs et à la force des évènements socio historiques.

3. Création du sens en ancien français

Dans le système de la langue, les mots servent à exprimer les réalités d’un groupe. Ils désignent des objets, représentent des choses ou traduisent des idées afférant aux réalités des locuteurs d’une langue quelle qu’elle soit. Compte tenu de cette relation intrinsèque que les mots entretiennent avec le contexte, il est tout à fait naturel qu’ils aient une histoire qui renseigne sur leur origine et qui explique leur usage ainsi que leur vie, leur survie ou leur disparition. Précisons, en ce sens, que si le français doit au latin son origine et l’essentiel de son vocabulaire, il est aussi judicieux de reconnaître que le latin doit, en retour, son souvenir perpétuel aux langues vivantes qu’il a engendrées. Le latin subsiste dans les mémoires, en grande partie, parce qu’il a donné naissance à d’autres langues plus actuelles, dont le français. Il faut aussi noter que même si le latin n’est plus une langue parlée, il continue d’exister dans l’usage du français à travers l’histoire de ses mots et même dans son vocabulaire, notamment avec l’existence de beaucoup de mots savants, mots empruntés ou directement calqués du latin : caméra, agenda, idem, maximum, quiproquo, recto, verso, ultimatum, vidéo, libido, gratis, visa, sine qua non, errata….

Les sens des mots ne s’imposent pas d’eux-mêmes, ils dépendent de la tournure que leur donne l’usage, de l’état d’esprit des êtres humains. En effet, si certains mots latins sont arrivés à l’étape du français avec leur signification initiale, c’est qu’ils ont été pris pour dénoter une réalité similaire à celle qu’ils désignaient à l’origine. La plupart d’entre eux ont été utilisés juste pour exprimer les idées qui correspondaient au mode de vie des locuteurs. La psychologie collective du groupe qui utilise une langue imprègne systématiquement le sens des mots et c’est ce qui permet de relier ces derniers à leur histoire.

Le français médiéval est une langue axée sur l’oral, la littérature, qui pour la plupart était destinée à une représentation publique. Il s’agissait de chansons de geste, de contes et de fabliaux, tous très expressifs, surtout dans les dénominations et la description de l’intrigue. On note que les mots, surtout les verbes, avaient des sens descriptifs et précis.

Le contexte littéraire étant marqué par l’organisation politico-sociale du XIIème siècle, en l’occurrence, la féodalité, le lexique ancien comportait un grand nombre de mots connotant les relations vassaliques c’est-à-dire des rapports de dépendance, les valeurs courtoises et aussi les valeurs guerrières qui dominaient dans les activités à l’époque féodale. Cela se concrétise par la forte présence du vocabulaire militaire, de l’armement à l’adoubement sans parler des techniques de combat. L’étymologie des mots référant à la féodalité démontre leur appartenance à une source latine ou germanique. Cela permet de saisir, selon Georges Matoré (1985 : 155), l’importance relative du latin et du francique dans ces dominations. Parmi les appellations et d’autres termes d’origine féodale, appareiller, bacheler, chevalier, conte, duc, ecu, ecuyer, féal, maire, noble, preu, preudon, prévost, seignor, service, vicaire, vidame sont d’origine romane et baron, conestable, marchis, garde, fief, lige, ban, seneshal, alleu, adouber sont issus du francique. D’autres centres d’intérêts ont marqué le français médiéval, en l’occurrence, la religion, la pensée philosophique, l’organisation sociale, la famille, la mode.

Compte tenu de l’organisation féodale qui présente une hiérarchie sociale bien structurée, l’ancien français a hérité, en grand nombre, de mots dénotant l’idée de servitude, ceci parce que la psychologie collective à cette période était dominée par des relations vassaliques. Cette situation sociale favorise une terminologie spécifique à ces valeurs et à ces croyances collectives. L’étymologie de ces quelques mots ainsi que les sens reçus en ancien français nous permettent de montrer la corrélation entre les sens et le contexte.

Etymologie :

- Bacheler < *baccalarius forme latinisé du gaulois baccalarem, signifie ‘serf’ < servum (‘esclave’) ou ‘paysan’ ;
- Chevalier < *cabalarius < caballus forme latine du gaulois caballos, a le sens de ‘palefrenier’, ou ‘aide militaire’ ;
- Conte < comes / comitem, du latin classique signifie ‘compagnon, membre d’une escorte’ puis ‘homme de confiance de l’empereur’ ;
- Conestable
< comes stabuli, du latin signifie ‘homme qui s’occupe de l’étable, serviteur’ ;
- Ecuyer < *scutarius, du bas latin, a le sens de ‘jeune serviteur, porteur d’écu (bouclier)’ ;
- Mareschal < *marh *skalk, du germanique, marh (‘qui s’occupe des chevaux’) et shalk (‘serviteur’) ;
- Seneschal < *sinista *skalk, du germanique sinista (‘le plus âgé’) et skalk (‘serviteur’) ;
- Vassal < *vassalus, forme du bas latin, dérivé du gaulois vassus, a le sens de ‘serviteur’ ;
- Valet < *vasselitus, diminutif de vassalus, dérivé du gaulois vassus, signifie ‘petit serviteur’.

Ces mots de par leur origine ont des sens dépréciatifs. L’ancien français les dotera de sens nouveaux en ennoblissant la dénotation de servitude du fait que le contexte social de cette période ne conçoit pas l’idée de servitude en dehors des rapports vassaliques qui étaient des pactes nobles et loyaux entre seigneurs.

Ancien français :

- Bacheler prend le sens de ‘jeune homme vaillant qui aspire à devenir chevalier’ ;
- Chevalier
devient ‘un vaillant combattant noble, un seigneur ayant acquis toutes les valeurs de la chevalerie’ ;
- Conte
désigne ‘un grand seigneur du royaume’ ;
- Conestable
devient ‘grand officier chargé des écuries’ ;
- Ecuyer
a acquis un rôle important, c’est ‘un jeune noble qui seconde le chevalier auprès de qui il fait son initiation’ ;
- Mareschal
est subalterne au conestable, c’est ‘un officier en charge des chevaux’ ;
- Seneshal
a acquis une fonction de ‘grand officier en charge de l’intendance à la cour du roi’ ;
- Vassal
prend le sens de ‘seigneur féodal’, c’est ‘un homme noble placé sous la dépendance d’un autre seigneur après un serment d’allégeance qui impose des obligations réciproques de la part du seigneur’ ;
- Valet
est ‘un jeune homme noble qui fait son apprentissage de chevalier’.

On note alors que les sens de serviteur et les dénotations de servitude qui caractérisaient ces mots à l’origine ne sont plus actuels. Par un besoin d’expression, la langue s’est servie de mots qui avaient un sens proche dans un autre contexte. On peut dire alors que la construction du sens passe par l’assimilation par idées proches du domaine d’expression dans laquelle la langue s’oriente. Et de ce fait, un changement de sens n’est jamais une rupture par rapport au sens précédent qui sert de conduit vers le nouveau sens.

De même, on peut dire que le changement de sens découle de l’instinct collectif d’un groupe de locuteurs. Ce groupe, dans un espace donné, a le pouvoir de modifier et de changer, suivant le besoin d’expression, les mots qui sont à leur disposition. Nous parlons d’action collective puisque même si le changement part d’une volonté individuelle d’abord (il peut s’agir d’un auteur, d’un locuteur etc.), nous savons aussi que dans le langage, aucun acte posé ne peut être arbitraire. Alors ce qu’on considère comme instinct collectif, c’est la force qui fait que le changement qui part d’un esprit trouve sa logique dans un autre au sein d’un groupe et cela sans qu’il y ait besoin d’expliquer la logique qui a motivé le changement. Dans le processus d’évolution sémantique, la fusion des pensées humaines est telle que chaque individu peut être à l’origine d’un changement dans la langue, tant qu’il tient compte du caractère collectif et conventionnel du langage. Les mots sont susceptibles de prendre d’autres sens proches de la chose ou de l’idée qu’ils désignent, cela passe par des associations que la pensée humaine est capable de faire afin de relier une idée à l’autre en les comparant ou en les assimilant.

4. Analyse de facteurs et procédés du changement de sens

Les mots peuvent évoluer d’un sens A à un sens B et parfois C entrainant ainsi une polysémie ou un changement catégorique qui finit par faire oublier l’ancienne signification. C’est le cas du mot talent < de *talentum (mot latin emprunté au grec talentos : ‘unité de mesure’) employé dans le langage religieux, au sens figuré, pour signifier ‘état d’âme, aptitude’. Il est abord employé dans la langue médiévale pour signifier ‘aptitude, humeur, état d’esprit’, puis ‘désir, volonté’, des sens qu’on retrouve dans des locutions avoir en talent (‘désirer’), faire son talent de (‘agir à son gré’), dire son talent (‘donner son avis’). Le mot prendra, en français classique, le sens de ‘disposition naturelle ou acquise pour réussir en quelque chose’ puis celui d’‘aptitude remarquable dans le domaine intellectuel ou artistique’, qui fera oublier, en français moderne, les sens de désir et volonté.

A l’opposé, un mot peut voir son champ de référence se réduire. On observe ce phénomène avec l’évolution du mot gésir < du latin jacere qui signifie à l’origine et en ancien français ‘être étendu, coucher’. Et puis du fait de son emploi fréquent dans des contextes macabres, en l’occurrence dans des champs de bataille, décrivant des personnes étendues inertes après avoir été touchées au combat, le mot en vient à restreindre son sens. Les survivances du mot, l’épitaphe ci-gît, gisant, gisement etc. connotent la mort ou l’inertie.

Les facteurs sont les causes et circonstances qui favorisent le changement de sens. Il peut s’agir des procédés d’esprit ou manipulations de la pensée humaine ou encore des facteurs logiques qui englobent tous les faits linguistiques, psychologiques, socio historiques. En nous appuyant sur les théories déjà faites sur la question, on peut les regrouper comme suit :

- la connexité des choses et l’effet de la contagion dans le système de la langue ;
- le contexte social et la psychologie des locuteurs.

Ces derniers offrent une explication plus large, plus actuelle et plus profonde des changements sémantiques. Les procédés sont les lois qui régulent le processus d’évolution sémantique. Ils peuvent avoir plusieurs aboutissements : restriction, élargissement ou glissement de sens. Lorsqu’on touche à cette partie essentielle de l’évolution sémantique, qui consiste à étudier les causes et procédés, il devient difficile de cloisonner les résultats. Darmesteter (1943 : 88-89) les qualifie de « problèmes les plus obscurs et les plus difficiles de la sémantique ». En effet, selon lui : « les actions qui modifient les mots dans leurs sens paraissent innombrables, chaque changement semble remonter à une cause propre, réclamer son explication spéciale et par conséquent défier la constitution de la science ». De même, Kristoffer Nyrop (1913 : 79-80) souligne qu’elles sont de natures complexes et conçoit que la genèse des changements de sens offre beaucoup de difficultés, étant donné le nombre de facteurs qui entrent en jeu. L’absence de lois flexibles pour expliquer les causes et procédés de changement de sens fait de la sémantique un domaine mythique qui regorge d’originalité. Le français compte beaucoup de mots avec des sens endormis dans la conscience de la langue actuelle. L’expérience nous a démontré à quel point les locuteurs sont émerveillés de découvrir l’histoire cachée de chaque mot, et l’intérêt qu’ils portent à ces découvertes originales stimule leur besoin d’aller toujours plus loin dans les recherches.

Le pacifisme des civilisations postmédiévales fait que la nouvelle génération ne retient que les sens euphémiques des mots navrer, jouter et férir qui avaient en ancien français une connotation violente, signifiant respectivement ‘blesser gravement’, ‘combattre’ et ‘frapper violemment’. Le français moderne n’a retenu de navré (navrer) que la blessure psychologique et de féru (férir) que la dénotation passionnelle, quant à joutes (jouter), la mémoire collective ne retient que l’ardeur et pouvoirs oratoires. Ces sens correspondent mieux à la psychologie et au mode vie actuelle.

Les mots changent de sens dans le temps pour répondre à un besoin d’expression des locuteurs. Cette raison personnelle ne peut pas agir directement sur la langue de sorte à pouvoir causer une évolution linguistique quelle qu’elle soit. Elle influe cependant sur l’usage poussant la pensée humaine à manier les mots suivant des agencements inconscients. Ainsi, la langue évolue et renouvelle le sens de ses mots au rythme et au besoin des locuteurs. Les théories peuvent diverger cependant puisque les structuralistes comme Saussure ont assimilé le changement de sens à un besoin de restructuration interne de la langue. La sémantique structurale s’inscrit dans le courant théorique du structuralisme et soutient la thèse de l’autonomie du langage. Elle compare la langue à une structure qui selon Hjelmslev (linguiste danois qui a prolongé les réflexions de Ferdinand de Saussure en fondant la glossématique) est une entité de dépendances internes. Ce courant linguistique défend dans son idéologie la théorie selon laquelle chaque langue classe de manière autonome la réalité, et s’appuie sur l’autonomie du langage par rapport à la réalité et à la valeur propre de chaque unité lexicale à l’intérieur du système de la langue. Dans cette pensée structurale qui fait partie des premières en ce qui concerne l’analyse de la question sémantique, la langue est considérée comme un système autonome dans lequel l’individu parlant n’a aucune influence et les modifications qui peuvent s’y produire s’imposent à l’individu qui a pour charge de les véhiculer. Si on se fonde sur la nature et les procédés des changements de sens qui sont notés entre l’ancien français et le français classique, cette théorie est loin d’être suffisante. Elle est de plus différente de la pensée de Michel Bréal (1897 : 313) qui soutient: « à mesure qu’une civilisation gagne en variété et en richesse, les occupations, les actes, les intérêts dont se compose la vie de la société se partagent entre différents groupes d’hommes : ni l’état d’esprit, ni la direction de l’activité ne sont les mêmes chez le prêtre, le soldat, l’homme politique, l’artiste, le marchand, l’agriculteur. Bien qu’il ait hérité de la même langue, les mots se colorent chez eux d’une nuance distincte, laquelle s’y fixe et finit par y adhérer. L’habitude, le milieu, toute l’atmosphère ambiante déterminait le sens du mot et corrigeait ce qu’il avait de trop général. Les mots les plus larges sont par là même ceux qui ont le plus d’aptitude à se prêter à des usages nombreux».

Ce facteur explique bien l’évolution sémantique des mots, de l’état de l’ancien français à celui du français classique puisqu’elle se fonde sur le changement qui se produit dans la société où la langue est utilisée. Cependant, il ne peut pas influer directement sur l’état des significations mais plutôt sur l’état d’esprit des usagers. Pour cette raison, la pertinence de ce facteur ressort plus lorsqu’on l’étudie en association avec la progression des mentalités ou encore avec la cause psychologique. A notre avis, aussi bien le facteur social que l’action psychologique sont des causes possibles; l’évolution sémantique peut être consécutives aux changements qui affectent la pensée d’un peuple. Les situations de la vie et les dispositions des locuteurs peuvent amener de la manière la plus naturelle ces sortes de déviations de sens. Et l’usage récurrent d’un mot dans une circonstance donnée fait que la pensée humaine finit par élargir l’image de la chose au sein de cet univers et rattacher au mot d’autres facultés référentielles. Par cette association d’idées, des mots sont donc passés d’un sens S1 à un sens S2 ainsi de suite du fait de l’association que l’esprit est capable de faire de S1 et S2. Le développement sémantique des mots franc, vilain, païen, chétif etc. illustrent l’évolution du sens par la connexité des idées. En effet, l’association entre l’état social de l’individu, son état d’esprit et ses états d’âme a fait que, dans la pensée humaine, le mot franc est passé du sens de ‘libre’ à celui de ‘sincère, loyal’, que vilain qui à l’origine était ‘habitant de la villa (campagne)’ est passé péjorativement à ‘méchant’ puis ‘pas agréable à regarder’, de même, que le païen qui était ‘paysan’ est devenu à un moment ‘musulman’ (dans Charroi de Nîmes, les sarrasins sont appelés païens par les chrétiens qui ne concevaient, à l’époque pas une autre religion en dehors du christianisme) puis ‘non croyant’ et enfin, que chétif est passé de ‘prisonnier’ à ‘faible’. Ces relations entre les sens peuvent naître d’actions comparatives à l’image des rapports métaphoriques entre les sens et consécutives comme c’est le cas pour les rapports de métonymie ou dans certains autres cas purement fantaisistes. Mais ce dernier cas est beaucoup moins évident pour fonder un changement durable du fait de son aspect quelque peu arbitraire. Notons que les changements qui s’effectuent dans la langue découlent d’une action et d’une volonté collective. C’est ce qui fait que certaines tournures qui ont été utilisées par des auteurs n’ont pas connu une longue vie dans l’usage et surtout, pour être comprises, elles demandaient toujours de la part de l’auteur une explication justifiant le sens. En effet, si les changements de sens partent d’une origine individuelle, ils n’ont de chance de demeurer dans l’usage que lorsqu’ils trouvent une complicité dans la manière de sentir et de penser d’un groupe.

L’action psychologique paraît plus constante pour expliquer les origines d’un changement sémantique. L’état d’esprit d’un groupe est susceptible en toute période d’évoluer et par conséquent de faire évoluer la langue, en l’occurrence les mots vers les domaines où leurs pensées les portent. Les mots chevalier, comte, baron, seigneur, sénéchal etc. sont perçus aujourd’hui comme archaïques et, au cas où ils n’ont pas une connotation particulière, dénotent une idée ancienne et démodée. La raison c’est que la perception de l’idéologie sociale qui correspondait à leur usage a décliné à l’époque de la Renaissance. Ces mots archaïques sont soit réutilisés dans une autre étape de la langue pour désigner des faits plus actuels, soit sont désuets. Cela est valable dans tous les états de langue, la mutation se fait sentir dans la manière des locuteurs de percevoir les choses anciennes et par conséquent dans la manière de désigner les choses qui leur préexistent. Par exemple, la différence de perception entre la période latine et la période médiévale se fait sentir dans la valeur donnée aux mots tels que bacheler, chevalier, valet, vassal, écuyer. La langue ancienne a ainsi anobli le sens de certains mots, du fait du besoin d’exprimer la servitude féodale. De manière tout à fait contraire, le mépris de la société féodale pour tout ce qui est inférieur a déteint sur le sens des mots tels que vilain, paien, chétif, etc. qui, à l’origine, avait des sens décents. Les mots changent de sens donc lorsque la manière de penser des usagers change. Si la manière de penser est susceptible d’assimiler les dénotations, il est à considérer que la vision structurale, même si elle est restrictive, a le mérite d’être pertinente puisque l’analogie et l’assimilation ont toujours été à la base des changements linguistiques. Les facteurs de l’évolution sémantique ont été parfois attribués à la similarité des signifiants. Il s’agit là d’une cause possible que la sémantique traditionnelle juge pertinente pour expliquer le début de certains changements de sens. Ce phénomène nommé assimilation ou contagion a son origine dans des conformités phonétiques. Le professeur Nguissaly Sarre (2005) le résume en ces termes dans son Cours de grammaire historique : « Deux choses peuvent n’avoir entre elles qu’un point commun lointain et vague ou quelquefois aucun rapport. Mais, si leurs symboles sonores présentent une certaine similitude, celle-ci suffit pour établir le lien délicat d’une association d’idées, l’influence d’une similitude phonétique se manifeste dans la sémantique de beaucoup de manières.» L’étymologie du mot sens évoquée plus haut illustre ce phénomène.

L’assimilation sémantique laisse cependant sceptiques certains chercheurs modernes qui la trouvent quelque peu hasardeuse. C’est le cas de Vincent Nyckees (2006 : 58) qui souligne que l’incidence de ces jeux du signifiant sur les évolutions sémantiques a été largement surestimée. Ces facteurs formels sont en effet incapables de déterminer à eux seuls un changement sémantique. En particulier, une évolution par similarité des signifiants n’aura que quelque chance de s’installer dans la langue que si elle s’accompagne au moins d’une certaine proximité sémantique, vérifiable en situation. S’il en était autrement, on devrait s’attendre à ce que toute ressemblance formelle induise nécessairement une confusion sémantique. Pour notre part, si la connexité entre les choses auxquelles se réfèrent les mots a pu stimuler un glissement, il est tout naturel de conclure qu’une connexité quelle qu’elle soit entre les mots de la langue peut aussi bel et bien être à l’origine d’un glissement de sens.

5. Conclusion

Dans cette réflexion sur le sens des mots, une logique paraît fondamentale, c’est que l’histoire des mots ne peut être dissociée de l’histoire de la langue qui, elle-même, reflète l’histoire de ses locuteurs. Nous avons donc là une chaîne dans laquelle le mot constitue la racine qui puise ses ressources dans les réalités socio-historiques. Compte tenu de la dimension instrumentale de la langue, considérée comme outil d’expression et de communication, elle ne peut être que le reflet des évènements sociaux.

Dans le système de la langue, le vocabulaire constitue la partie la plus vivante. Les normes syntaxiques, morphologiques et phonétiques ont été fixées depuis la période classique et continuent à résister à l’érosion du temps. Ce phénomène est tout à fait normal puisqu’il rend compte de la stabilité de la langue. L’évolution sémantique s’effectue différents les mêmes procédés: les glissements de sens par les associations d’idées, les assimilations, les emplois stylistiques etc.

Avec l’expansion du français, les mots continuent de progresser dans leurs significations, de s’adapter à de nouveaux contextes, à la diversité des cultures et, par conséquent à la diversité du langage. On note en ce sens que lorsque les changements touchent les mots dans leur vie, on perçoit un enrichissement, une amélioration et une continuité dans le fonctionnement de la langue. Alors que, s’il s’agit de changements touchant le système grammatical, on conclut à des bouleversements susceptibles de dénaturer ou même de déstructurer la langue.

On retiendra donc que les sens naissent par besoin d’expression et meurent parce que les réalités auxquelles ils correspondent n’existent plus. Ces sens évoluent lorsque ces mêmes réalités sont perçues de manière différente par les locuteurs. Les mots demeurent ainsi dans la langue tant qu’ils servent dans l’usage, certains d’entre eux disparaissent, d’autres naissent pour les mêmes raisons. Connaissant la nature évolutive du langage, il est compréhensible de conclure que la langue vit et se renouvelle constamment. La langue évolue parce la société dans laquelle elle sert évolue de manière continue. L’analyse des changements de sens gagnerait en pertinence si les différents facteurs étaient combinés, chacun pouvant être considéré comme une cause possible de changement.

Bibliographie 

Bréal, M. 1897. Essai de Sémantiquel’histoire des mots. Paris: Hachette.

Darmesteter, A. 1950. La vie des mots étudiée dans leurs significations. Paris: Delagrave.

Guiraud, P. 1969. La sémantique. Paris: Presses universitaires de France.

Huguet, E. 1935. Mots disparus ou vieillis depuis le XVIè siècle. Paris: Librairie E. Droz.

Matoré, G. 1985. Le vocabulaire et la société médiévale. Paris: Presses universitaires de France.

Nyckees, V. 2006. Rien n’est sans raison, les bases d’une théorie continuiste de l’évolution sémantique. Aspects diachroniques du vocabulaire. Danielle Candel et François Gaudin (eds.). Presses universitaires de Rouen et du Havre. 15–88.

Nyrop, K. 1913. Grammaire historique de la langue française, tome 4. Paris: Picard & fils.

Robert, P. 1998. Dictionnaire historique de la langue française. Paris: Le Robert.

Žodžių reikšmės kitimus lemiantys istoriniai-socialiniai veiksniai: senosios prancūzų kalbos atvejis

Rose Sene
Šeicho Anta Diopo universitetas

Santrauka

Šiame straipsnyje kalbama apie svarbiausius veiksnius, kurie lemia žodžių reikšmės kitimus. Vartojamų žodžių semantinės raidos analizė suteikia galimybę palyginti žodžių reikšmes skirtingais kalbos istorinės raidos laikotarpiais. Lyginama prospektyviai, atsekant etimologines žodžių reikšmes ir atsižvelgiant į pirmąją reikšmę, aptinkamą senojoje prancūzų kalboje. Tyrimas atskleidė, kad žodžiai prisitaiko ne tik prie socialinės, istorinės ir kultūrinės situacijos, bet ir prie kalbos vartotojų poreikių. Etimonus lyginant su reikšmėmis, paplitusiomis XII a. riteriškomis vertybėmis pagrįstoje feodalinėje visuomenėje, pastebime, kad semantiniai pokyčiai yra persmelkti istorija ir kalbos vartotojų išgyventa patirtimi. Keičiantis aplinkybėms, žodžiai įgijo naujų reikšmių, atitinkančių naujojo konteksto reikalavimus. Taigi prancūzų kalbos istorija parodo, kad kalba – nuolat besikeičianti sistema. Nuo kalbos raidos neatsiejamas ir žodžių reikšmės vystymasis. Tokie reikšmės kitimai vyksta dėl skirtingų priežasčių, susijusių su kalbos vartotojais, jų kontekstu ir istoriniais-socialiniais įvykiais. Įvairūs veiksniai gali paskatinti vieną žodžio reikšmę pakeisti kita. Šių kitimų būdai taip pat įvairūs ir dažnai atskleidža stebinančius rezultatus, dar labiau sužadinančius tyrėjų smalsumą. Tiek vienus, tiek kitus reikėtų vertinti kaip visumą, juos analizuoti atsižvelgiant į žodžių vartoseną ir nustatyti jų svarbą. Iš šio tyrimo sužinojome, kad prancūzų kalba, kaip visos kalbos, gyvuoja ir vystosi taip, kad patenkintų kalbos vartotojų kalbinės raiškos poreikius.
Raktažodžiai: žodis; reikšmė; kontekstas; semantika; raida; kitimas; plitimas